Le Laos cannibalisé

 

Dans l'indifférence internationale, les Vietnamiens ont installé

une "République démocratique et populaire", sous leur contrôle étroit.

 

( par Brigitte FRIANG, Journaliste/écrivain )

Ce n'est pas drôle d'être un petit pays enclavé au cœur de la péninsule Indochinoise, à la population diverse et clairsemée, aux ressources limitées et d'un intérêt tout aussi limité pour l'Occident. Autrement dit, ni fournisseur ni consommateur. Ce qui implique que son sort n'empêche personne de dormir, pas plus à Washington qu'à New York, ni même à Paris, pourtant son ancien protecteur.

C'est encore moins drôle lorsque l'un de ses flancs est appuyé à un voisin, le Vietnam, fort de l'héroïque conquête de son indépendance, conscient de ses atouts économiques et stratégiques, animé d'un impérialisme, constitutif et chez qui le marxisme n'a guère développé le respect du droit de l'autre, individu, peuple ou Etat, à disposer de soi.

Depuis qu'il a arraché dans le sang et les larmes sa réunification et la paix en 1975, le Vietnam s'épand tel une coulée de lave, sur les territoires de ses propres tribus montagnardes de la chaîne annamitique ou de la haute région du Nord. Avec d'autant moins de scrupules que nombres de ces ethnies méprisées furent les alliées des "colonialistes français" et des "impérialistes américains".

 

Le "système ichneumon".

Certes, il ne saurait être question de débouler au Laos derrière chars et missiles, comme au Cambodge à Noël 1978. Essai qui s'est piteusement soldé en 1991. Phagocyter le Laos, "système ichneumon", cet hyménoptère qui pond ses œufs dans la chair d'une chenille vivante afin que ses larves s'en nourrissent jusqu'à envol d'un côté et mort de l'autre, est plus efficace.

Dès 1945, les communistes vietnamiens ont piloté, puis géré la lutte pour l'indépendance des nationalistes laos les plus actifs ainsi que leur effort pour s'emparer seuls du pouvoir. Au fil des aléas guerriers et politiques, l'emprise idéologique et physique vietnamienne s'est alourdie. Les provinces de Phong Saly et de Sam Neua sont déjà pratiquement digérées. Après la victoire nord-viêtnamienne sur le Sud, au printemps 1975, cette mainmise a été couronnée par l'élimination d'une monarchie devenue symbolique et l'installation d'une République dite "démocratique et populaire, modèle vietnamien".

Ce Laos, qui avait été le pays de la grâce et de la douceur de vivre, s'est aussitôt meublé de camps. Leurs gardes-chiourme, pur beaucoup vietnamiens, ont si bien "rééduqué" les 100.000 impétrants enfermés que, dans les cinq premières années, 30.000 sont morts de tortures et de misère. A commencer par le roi et sa famille, ainsi que les responsables des structures du pays, administration, armée, police. La liste nominative donne des frissons.

 

Les minorités opprimées.

Sans doute la folie dogmatato-meurtrière s'est-elle apaisée. Dès 1986, les ricochets de la perestroika gorbatchévienne ont atteint le Laos avec le Vietnam. Certains camps sont fermés. Pas tous. Afin d'éviter de goûter à leur charmes, mieux vaut être toujours d'accord. Ne pas se réunir si l'on est chrétien. Ne pas remarquer que les seuls bonzes en activité sont stipendiés par le ministère de l'Intérieur et que, dans les pagodes, c'est l'enseignement de Marx et non celui du Bouddha, pourtant pain de vie du Laos, qui est dispensé.

Et surtout, par-dessus tout, ne pas appartenir à une minorité montagnarde, celle des Hmongs en particulier.

L'anti communisme de ces derniers n'a pas fléchi depuis un demi-siècle. Aussi sont-ils la cible de toutes les avanies : déplacements dans la plaine, où ils meurent de neurasthénie et de maladie, familles entières assassinées (1), villages brûlés (2) ou détruits à l'arme chimique (3).

 

(1) Janvier 1997, Muong Ou, province de Xiengkhouang, Nord Laos.

(2) Février 1997, Muang Cha, province de Xiengkhouang.

(3) Février 1997, Phou Bia, province de Xiengkhouang.

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Le Comité Lao pour la Défense des Droits de l'Homme a été créé par le Prince Mangkra SOUVANNAPHOUMA en 1977 en compagnie des exilés cambodgiens et vietnamiens contre les régimes despotiques et totalitaires qui venaient de prendre le pouvoir dans leur pays.

Dans un premier temps, l'organisation s'était appelé Comité Khmèro-Lao-Vietnamien pour la Défense des Droits de l'Homme mais fut refusé par la Ligue Internationale des Droits de l'Homme qui souhaitait que chacun de ces pays soit indépendant comme le veut la Charte de la dite Ligue.

Ce qui fut fait en 1978 et le Comité Lao pour la Défense des Droits de l'Homme prit effet le 13 janvier 1978 par un décret ministériel sous la présidence du Prince Mangkra SOUVANNAPHOUMA, secondé par Maître Robert DUCRET à la fonction de Secrétaire-Général, qui fut (pour raison de santé) remplacé par le Dr YANG-DAO qui lui-même fut remplacé (parce que s'installant aux Etats-Unis) par le Dr Sitthuy SOUVANNASY : Ce sont là les quatre membres-fondateurs du Comité Laotien.

Dans un premier temps, le Comité s'efforça de faire un recensement des personnes qui furent arrêtées et envoyées dans les camps dits de "rééducation" en contactant toutes les familles lao exilées de par le monde. Malheureusement, toutes n'ont pas répondu à notre appel de crainte de porter préjudices à leur mari ou père, frères ou sœurs, fils ou filles, oncles ou tantes déportées on ne savait où, ni dans quelles conditions, ni pour quelles raisons.

Grâce à l'aide active d' AMNESTY INTERNATIONAL auquel notre Comité avait communiqué toutes les données, nous avons pu ainsi retrouver la trace de certains de nos compatriotes qui avaient servi l'Administration royale : par un travail de sape, certains furent même libérés avant 1980, puis d'autres encore en 1985 et enfin en 1989 et 1990. Au total, notre Comité considère qu'il manque encore à l'appel près d'un millier de survivants dont le gouvernement actuel de la République dite "démocratique et populaire du Laos" se refusent toujours à révéler l'identité ainsi que leurs situations physiques, morales ou géographiques.

Quant aux personnes qui ont succombées aux sévices inhumains de toutes sortes dont nous avons quelques témoignages, là non plus nous n'avons pas réussi à obtenir de réponses des autorités.

 

Notre Comité comme toutes les Organisations Officielles ou non-gouvernementales qui nous assistent, restons vigilants et poursuivons notre tâche.

 

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